Battre le S&P 500 avec des ETF grâce au ratio CAPE de Shiller
Est-il possible de battre le S&P 500 sur une décennie avec des ETF? Oui, et je vais vous expliquer comment procéder.
John Bogle, en son temps, avait popularisé l'investissement sur le S&P 500 avec le lancement du premier ETF de l'histoire boursière. C'était alors une véritable révolution car les investisseurs de l'époque pouvaient obtenir un très bon rendement sans devoir en sacrifier une partie pour payer des frais de gestion, d'achat, de vente, et enfin, de commission au courtier.
Cette méthode, pour porter ses fruits, doit être pratiquée sur le long terme (10 à 20 ans), car les intérêts composés ne produisent un véritable effet boule de neige qu'au bout de quelques années. En clair, plus les trackers sont gardés longtemps, plus la stratégie monte en puissance.
Des études ont même démontré que l'investissement sur un indice est encore plus efficace si on répartit ses achats dans le temps. C'est le fameux "Dollar-Cost Averaging" (DCA), cher à beaucoup d'investisseurs. Warren Buffett lui-même plébiscite d'ailleurs cette méthode d'investissement pour les investisseurs amateurs.
Mais il y a un hic...
L'inconvénient du DCA sur le S&P 500
Comme je le précisais dans cet article sur l'ETF RAFI 1000, l'indice américain S&P 500 est surpondéré en valeurs technologiques assez chères. L'indice global est donc devenu très coûteux, rendant le DCA assez délicat.
Le retour vers la moyenne étant une loi universelle, les investisseurs qui commenceraient un Dollar-Cost Averaging sur le S&P 500 aujourd'hui, en 2024, s'exposeraient ainsi peut-être à des rendements très modestes au cours de la prochaine décennie. Je dis bien peut-être car s'ils y vont progressivement, en n'injectant pas une grosse somme d'un seul coup, leur gestion passive devrait bien se passer malgré tout.
On pourrait donc malgré tout tenter d'améliorer le système en se tournant vers des ETF qui répliqueraient des pays moins chers que les États-Unis. C'est là que vous vous dites peut-être : "Bah, regardons le ratio P/E des ETF qui répliquent différents pays et achetons celui qui est le moins cher".
L'idée est bonne mais ce ne serait en fait pas une méthode fiable. En utilisant le P/E basique de l'année précédente, on n'est en effet pas à l'abri d'une très bonne année bénéficiaire, ou d'une très mauvaise, ce qui compromettrait complètement nos découvertes.
Le P/E de Shiller (CAPE)
Le mieux est donc de partir d'un calcul qui lisserait les P/E sur plusieurs années pour en extirper une moyenne. Et pour cela, on a le P/E ratio de Shiller, aussi appelé CAPE (Cyclically adjusted price-to-earnings ratio). Celui-ci tient compte d'une moyenne des P/E des dix dernières années, ajusté à l'inflation. Il s'agit donc d'une mesure bien plus fiable qu'un P/E seul.
Robert Shiller avait en fait découvert que quand le ratio CAPE d'un pays est très inférieur à sa moyenne historique, il a tendance à remonter la pente et produit donc de très bonnes performances au cours de la décennie suivante. En revanche, s'il est plus élevé que sa moyenne (donc assez cher), il produit en général des résultats médiocres les années suivantes. Il existe évidemment des exceptions à ce principe, mais ce postulat global est assez fiable en soi.
Exemples de rendements du CAPE
Dans son papier The many colours of CAPE, Shiller nous indique ainsi qu'un investisseur qui aurait commencé un DCA sur le S&P 500 avec un ratio CAPE entre 5,6 et 9,6 aurait dégagé un rendement sur dix ans supérieur à la moyenne historique. Par contre, en commençant avec un ratio compris entre 13,9 et 16,1, le rendement annuel ne se situait plus qu'entre -1,6% et 7,8% par an. Rappelons que le rendement historique annuel du S&P 500 sur cent ans est de 9,81%.
Et enfin, encore pire : s'il l'avait commencé ses investissements quand le ratio CAPE se situait entre 26,4 et 44,2, son rendement n'aurait été que de -6,1% à 0,9% par an.
On a donc de bien meilleures chances de ne pas foirer son investissement si on le commence quand le ratio CAPE est très bas. Celui du S&P 500 est de 33,6 à l'heure où j'écris ces lignes, en février 2024. C'est bien plus haut que sa moyenne historique, qui est de seulement 17.
Il ne serait donc peut-être pas pertinent de commencer un DCA sur l'indice américain à l'heure actuelle. Mais on peut toutefois nuancer ce propos, comme je précisais plus haut... Ne commencez simplement pas une gestion passive en injectant une grosse somme comme première mise mais allez-y progressivement.
Et qu'en pense le bon vieux Warren?
Disons le tout net : Warren Buffett pense qu'il faut continuer le DCA sur le S&P 500 quoiqu'il arrive. C'est logique car c'est l'esprit même de l'investissement mécanique. Il soutient aussi qu'il faut le faire quelle que soit la cherté du marché. Et encore plus fort : il affirme qu'initier un DCA, même sur des All Time High (ATH) du S&P 500, reste une stratégie très rentable.
Il soutient cette thèse car :
- On n'a jamais la certitude que la hausse ne va pas continuer, même sur des plus hauts historiques. On pensait en effet avoir atteint le plafond sur le S&P 500 en juin 2000, puis en septembre 2021, puis encore en juillet 2023, et malgré cela, la hausse des actions américaines a continué.
- Vouloir savoir quand commencer un DCA, c'est vouloir timer le marché, ce qui va à l'encontre de son principe de base. Il n'y a en fait aucun moment propice en particulier, étant donné qu'on n'y injecte que des petites sommes régulièrement et qu'on cherche uniquement à répliquer la moyenne du marché, pas à la surpasser.
- L'Oracle d'Omaha conseille de le faire sur un simple tracker S&P 500 très low cost, comme le Vanguard S&P 500 (IE00B3XXRP09) ou le iShares Core S&P 500 (IE00B5BMR087). Pourquoi? Car aucun indice boursier, excepté le Nasdaq-100, n'a jamais battu le S&P 500 sur une période de plus d'une décennie au cours des cent dernières années.
Comment trouver des actions à faible CAPE ?
Mais revenons à nos moutons. Pour ceux qui veulent quand-même tenter la Shiller Experience, il existe plusieurs sites qui répertorient les pays selon leur ratio CAPE. L'outil le plus à jour que j'ai trouvé est celui de Barclays qui propose une liste de 26 pays. Il n'est peut-être pas parfait car il manque beaucoup de pays mais il a au moins le mérite d'être actualisé en temps réel.
Quand on utilise l'espèce de screener de Barclays, on trouve quelques pays intéressants avec un faible ratio CAPE : la Corée du Sud, la Pologne, la Turquie, le Royaume-Uni, la Chine, Singapour et Hong Kong, etc. J'exclus d'office les dictatures pas chères qui feront de toutes façons de mauvais investissements, comme la Russie ou le Pakistan.
Il faut aussi prêter attention au fait que certains pays ont toujours eu des ratios CAPE historiquement faibles, y compris sur les 20 ou 30 dernières années. Ceux-là non plus ne feront pas de bons investissements.
Cette banque propose aussi un tracker sur le CAPE, dénommé Ossiam Shiller Barclays CAPE, mais je ne crois pas qu'il soit si pertinent au vu de sa composition.
La Pologne
La Pologne n'est pas chère mais me semble malgré tout être une idée mitigée du fait de sa proximité géographique avec la Russie. Je veux dire par là que si le conflit en Ukraine s'enlise pendant plusieurs années, les bourses polonaises pourraient rester à des niveaux assez bas pendant longtemps.
Ceux qui veulent malgré tout y investir quelques pesos pourront le faire avec l'ETF iShares MSCI Poland (IE00B4M7GH52) qui possède des frais de gestion de 0,74%. C'est assez onéreux mais c'est le seul tracker sur la Pologne qui existe en Europe. Le ratio CAPE de la Pologne était de 10,1 au 31 janvier 2024.
Le Royaume-Uni
Le Royaume-Uni pourrait être une vraie bonne idée car le pays est toujours en train de remonter lentement la pente du Brexit. C'est un des pays occidentaux où l'indice boursier principal, le footsie, est le moins cher, avec un ratio CAPE actuel de 15,5.
Il est possible d'y placer quelques billes avec par exemple le tracker L&G UK Equity (IE00BFXR5R48), qui possède des frais de gestion très bas : seulement 0,05%!
La Turquie
La Turquie se négocie à un ratio CAPE largement sous sa moyenne historique : il est à seulement 11,1 actuellement. On peut investir sur le pays via l'ETF Amundi MSCI Turkey (LU1900067601), qui possède des frais de gestion de 0,45%.
La Corée du Sud
Comme pour le Royaume-Uni, investir dans l'indice MSCI Korea me paraît une idée pertinente. Le ratio CAPE de la Corée du Sud est en effet à seulement 13,3.
L'ETF le plus intéressant que j'ai trouvé sur ce pays est le Franklin FTSE Korea (IE00BHZRR030) car ses frais de gestion annuels ne sont vraiment pas chers : seulement 0,09%. Les trackers des autres émetteurs sont tous beaucoup plus chers.
La Chine
La Chine, c'est oui et non à la fois... Les actions chinoises sont actuellement très bon marché, avec un ratio CAPE de seulement 9,5. Mais voilà, le pays reste une dictature, même si le régime est capitaliste.
Pour celui qui n'a pas froid aux yeux, l'ETF Franklin FTSE China (IE00BHZRR147), avec ses frais de gestion de 0,19%, reste une valeur sûre.
Singapour et Hong Kong
Il n'existe malheureusement aucun tracker UCITS (c'est-à-dire agréé pour l'Europe) sur les marchés d'actions de Singapour et d'Hong Kong. C'est dommage car ce sont deux marchés dont les actions sont actuellement à des niveaux historiquement faibles.
Quel courtier choisir pour un DCA?
Pour le stock picking sur les actions, je suis un fervent supporter du courtier Lynx (lire mon avis ici). Mais pour l'investissement programmé en ETF, je préférais DEGIRO, du moins jusqu'aux derniers changements tarifaires. J'ai maintenant changé mon fusil d'épaule et je pense sincèrement que le meilleur courtier à l'heure actuellement pour du DCA sur des ETF est Trade Republic. Je précise bien : uniquement pour les trackers et pas pour les actions, car l'offre y est trop réduite.
Ce courtier new age propose en effet un plan d'investissement programmé sans frais de courtage sur les ETF. En gros, vous programmez la somme que vous voulez investir et à quelle fréquence, et vous lâchez le guidon. L'algorithme s'occupera alors de faire vos achats à votre place. Mais attendez, c'est réellement gratuit, ce plan? Non, car Trade Republic se rémunère sur les spreads, car on choisira plus souvent des ordres "au marché" et pas à cours limite pour ce type d'investissement, par facilité d'exécution.
Je pense malgré cela que l'utilisation de Trade Republic reste très intéressante pour les ETF, car le courtier possède pas mal de qualités. Il est une banque allemande agréée, rémunère les liquidités en euros à 4%, son application pour smartphone est très claire et l'ouverture d'un compte ne prend que quelques minutes.
Notes de fin
Pour conclure, je dirais que la stratégie d'achat de trackers à faibles CAPE est comme le DCA : elle nécessite une discipline, une régularité, et la capacité (presque) surhumaine de ne pas tenir compte de la volatilité.
Vous devez également ignorer la macro-économie, l'actualité et même les krachs et continuer votre investissement sur une longue période quoiqu'il arrive. C'est une stratégie très simple mais que finalement peu de gens peuvent tenir sur le long terme.
Pour ceux qui ne veulent pas se casser la tête avec le CAPE, un simple Dollar-Cost Averaging à très longue durée sur le S&P 500 fera aussi des étincelles.
Les informations contenues dans cette analyse ne sont pas des conseils d'achat. Par conséquent, l’auteur ne pourra être tenu responsable en cas de pertes sur le(s) produit(s) concerné(s). Tout investissement comporte des risques de pertes. Pour plus d’infos, voyez nos mentions légales.
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